J'ai commencé ces billets en parlant de savoir et de connaissance, sous-entendant peut-être que celle-ci était l'aboutissement de celui-là. Ma visite au carnaval de Liestal me fait me demander s'il ne peut y avoir indépendance de ces deux formes de mémoire. Depuis 700 ans on passe sous la porte de la ville avec des charriots de feu dont les flammes atteignent facilement le cinquième étage. A côté de ces impressionnants véhicules, les citoyens les plus courageux défilent avec des flambeaux qui peuvent peser jusqu'à 80 kg (comme pour le Festival du Feu à Kurama). Bien sûr les ethnologues, anthropologues ou autres folkloristes ont des explications à revendre, mais lorsqu'on interroge les participants sur cette "Chienbäse", ils répètent sans grande conviction des histoires de rites de printemps ou de retour de la lumière (comme si cela n'avait pas commencé deux mois plus tôt). Il s'agit donc d'une pratique exubérante dénuée aujourd'hui de tout fondement raisonnable. Cela peut expliquer par le fait qu'un banquier ou qu'un ingénieur informaticien serait mal à l'aise d'invoquer de fumeux rites de passage plus que millénaires mais, et c'est là que je voulais en venir, il ne s'en promène pas moins depuis sept cents ans avec une torche de 80 kg sur le dos ! Le savoir est donc ici très contingent, évanescent, mais une connaissance très vivace de ce qu'il faut faire pour être ce qu'on est perdure et les badauds viennent de loin pour admirer l'événement.